L’orgue

Pourquoi une telle passion, une telle fascination, pour cet étrange et mystérieux instrument ? Si lointain et si proche à la fois ? Sa musique enveloppe l’auditeur toujours surpris par ses douceurs et ses frasques…, son tonnerre et ses chœurs mystiques.

Tout juste arrivé à Castanet-Tolosan, je suis entré dans l’église pour la visiter mais aussi pour y découvrir cet orgue. Au buffet sobre, simple, là-haut perché sur la tribune. De là, je me suis renseigné sur l’association des Amis des orgues de Castanet-Tolosan afin d’en devenir membre. Première assemblée générale pour découvrir les personnes la faisant vivre et surtout première réunion à te rencontrer, Jean. Après les différents points évoqués à l’ordre du jour, le président, Louis-Patrice Bugeat, nous a expliqué, qu’appelé à de nouvelles fonctions il ne souhaitait pas être candidat à sa succession. C’est alors que tu es apparu dans cette réunion comme candidat pour succéder à Louis-Patrice. Tu étais réticent, nous informant que tu n’étais pas la meilleure personne pour exercer cette fonction. Mais tu as finalement accepté et t’es engagé pleinement dans cette aventure avec de nouvelles idées pour faire vivre cet instrument, organisant notamment des moments musicaux le dimanche après-midi pour faire découvrir l’orgue.

Passionné et modeste à la fois, tu as été un artisan de cet instrument en offrant ton temps à toute personne désireuse de connaître un peu mieux le monde intérieur de l’orgue. Combien de fois es-tu monté à la tribune pour expliquer avec pertinence comment « ça marche » et inviter les visiteurs dans le ventre où l’on est toujours surpris la première fois et d’où l’on ne revient jamais indemne ? Par des mots simples, tu arrivais à captiver ton auditoire, sachant toujours adapter ton discours au public, jeune ou moins jeune. Des comparaisons, des analogies avec la vie de chaque jour…

Puis, nous avons connu une période de silence, interruption liée aux travaux de restauration de l’église durant laquelle l’orgue a été protégé de la poussière, enfermé, prisonnier dans une cage pour plusieurs mois. A cette période, ont commencé les discussions autour d’une restauration de l’orgue. Ton souci était aussi de revenir à une traction mécanique…, oubliant les transformations et l’électrification imposées en 1995. Combien de fois as-tu regretté les vergettes, mises en fagot, comme jetées dans le soubassement du buffet ? Abandonnées là !

Le premier concert, après cette longue période de silence, a été une très grande réussite. Ce fut impressionnant de voir une église emplie, la jauge étant largement dépassée ! Ce fut un nouveau départ. Et comme à chaque fois, cette peur de ne pas arriver à motiver les gens, à subir un « échec » par un déficit trop conséquent… a surgi à nouveau. Après ce succès, l’angoisse, l’anxiété ont été trop fortes et tu as souhaité passer la main, ne désirant plus souffrir, te sentir mal, assumer un éventuel échec et ne te sentant pas suffisamment armé, solide, pour envisager un nouvel orgue ! de nouveaux travaux et une période de silence…

Alors que j’étais vice-président, tu m’as demandé de prendre le relais, quittant le conseil d’administration (CA) pour n’être que « simple » membre. Depuis, avec l’ensemble du CA et du bureau, mais aussi des membres de l’association, nous essayons de poursuivre ce travail engagé par toi.

L’orgue continue à vivre, malgré le silence et le confinement imposés depuis plus d’un an, déjà. Tu as toujours été là, même si tu souhaitais rester en retrait, pour aider, contribuer… et faire vivre l’orgue, non pas au quotidien, encore que… !, mais à chaque occasion, avec Jean, Éric et Stéphane, pour que les sons viennent accompagner la prière, soutenir les voix et animer, i.e. donner la vie, une âme, aux différentes cérémonies, lorsque cela était possible, lorsque cela est possible.

Toujours modeste, toujours en retrait, mentionnant que tu n’es pas organiste mais que tu étais avant tout pianiste, t’excusant… mais toujours avec une petite flamme dans les yeux, cette passion qui te portait vers l’orgue, cet orgue, que tu souhaitais apprivoiser, et que tu chérissais passionnément.
Vivre, la vie…

Il ne nous faut pas oublier Élisabeth, ton épouse, membre fidèle des Amis des orgues, que tu as entraînée dans ta passion, à moins que ce soit l’inverse !, secrétaire de l’association durant de nombreuses années, toujours présente pour aider, apporter aussi de la vie et partager avec les autres.

Que reste-t’il de tout cela ? Notre mémoire et ce petit sourire, ton sourire, discret, délicat, simple, espiègle, lorsque tu étais heureux, comblé, porté par la musique, un sourire inoubliable, comme un clin d’œil à la vie.

Aujourd’hui tu as rejoint un autre monde, où tu peux maintenant partager ta passion, au milieu des étoiles, côtoyant les musiciens que tu aimes, qui t’ont fait rêver, en leur apportant ta vie, sans contrainte, libre enfin de ne plus souffrir et d’aimer.

Merci Jean pour ce petit bout de chemin partagé, parcouru à tes côtés

Merci infiniment à toi mais aussi à Elisabeth.

Pour que continue à vivre ta vie et cette passion, l’orgue !

PhB – 1er mai 2021